Entre sable, transport et recycling
Bech-Kleinmacher. Vignes idylliquement verdoyantes, calme inviolable, quais mosellans. Et en plus de ça, il y a les Hein. Ce qui n’est pas rien. Hein Group, c’est une sorte de gigantesque aire de jeux. Mais pour les grands garçons. Sur un territoire de 7 hectares, des tonnes et des tonnes de sables de toutes qualités et consistances, des bouteilles en plastique triées, pressées et soigneusement empilées en briques colorées, des machines étendant leurs bras comme des pieuvres monstrueux dérouleraient leurs tentacules, une chaîne de tri qui grince, souffle et se meut à une vitesse difficile à suivre, une batterie de gros camions verts, des vannes et des conteneurs tous volumes confondus, des ballotins énormes de film d’ensilage, des big bags bourrés d’engrais et de gravier, des bois concassés et amoncelés en mini Mount Everests boisés… Un désordre méticuleusement ordonné, multicolore, multiforme et multifacette. Voilà Hein Group.
Quand on traverse l’entreprise aux côtés de Willy Hein, le fils d’Alphonse et la nouvelle génération aux rênes de Hein, le sable grince entre les dents et le vent en dépose une fine couche poussiéreuse sur les visages. On ne peut manquer de voir que le sable est l’activité historique des Hein. Ils en ont vendu quelque 350.000 tonnes en 2017. Mais ce qui se juche dans les vignobles mosellans à Bech-Kleinmacher est plus varié qu’on n’oserait le croire. Hein regroupe trois secteurs d’activité : la sablière, le transport et les déchets.
La partie transports est dédiée au transport de marchandises en vrac et de déchets sur le territoire de la Grande Région. Une équipe de 107 personnes – dont 85 chauffeurs – du matériel de pointe, une flotte de quelque 75 camions de différentes catégories et une cellule logistique permettent d’offrir des solutions globales englobant les deux autres créneaux d’activité du groupe Hein.
La filière déchets a été créée en 1990. Ici le core business consiste en le ramassage de déchets, mais en plus de cela l’entreprise propose aussi la location de conteneurs et l’évacuation de déchets. Aussi, les Hein ont-ils mis en place le premier parc de recyclage privé du pays qui est arrivé à desservir quelque 10.000 habitants des communes de Bous, Remich, Schengen et Stadtbredimus. Aujourd’hui la filière déchets a donc une clientèle variée issue de l’artisanat, de l’industrie, du commerce et de la construction, pratiquant la valorisation et l’élimination de toute une panoplie de déchets y inclus les matières recyclables, les déchets de construction et de démolition, des déchets alimentaires et des terres contaminées.
Et finalement, il y a la sablière. Fondée en 1931 par Jean-Pierre Hein, grand-père des dirigeants actuels, la sablière Hein était une des toutes premières grandes entreprises d’exploitation de sable et de gravier de la Moselle. On y propose des produits pour ainsi dire « faits maison », lavés, criblés et concassés sur place, des produits du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, des terres et substrats, de la terre végétale, des pierres de décoration, du mulch, du compost, de l’humus, du béton… Mais ce n’est pas tout : Hein entretient une centrale à béton dédiée aux particuliers et aux entreprises pour des petits chantiers. Le client achète une carte, se positionne sous la centrale, insère sa carte et recueille la quantité de béton désirée. Et puisque chaque chapiste a son mélange idéal, chaque client est muni d’un code unique lui assurant d’avoir à chaque passage exactement le même mélange.
Les synergies entre les trois parties du groupe, le tout encadré par une équipe dédiée et enthousiaste, fait de Hein Group un acteur modèle dans son domaine.
Or, les choses sont loin d’avoir toujours été agréables. 1983 fut une année noire. Alphonse et Jemp avaient à peine fait leurs débuts dans l’entreprise, on venait tout juste de s’organiser et d’acheminer des pistes prometteuses, quand l’inondation est venue. L’eau venait toucher les plafonds des bureaux et a emporté la quasi-totalité des camions et machines qu’on avait vainement essayé de positionner aussi haut que possible. C’est là qu’on aurait pu traverser un moment de découragement. « Mais pour nous, il n’était jamais question de baisser les bras », se souviennent Alphonse et Jemp Hein, « et en plus l’État et les communes nous ont aidé à tout refaire. » Il a fallu de l’énergie pour retaper un chaos. Et des idées surtout. Des idées ils en ont autant que des grains de sable. Beaucoup plus qu’un plan minutieux les évolutions du groupe Hein reposent sur un gut feeling qui a rarement trahi ses dirigeants. C’est ce qui leur permet de perdurer et de s’adapter aux exigences d’un marché en évolution constante. L’inertie n’est pas leur truc.
La toute première innovation était le passage du sable aux déchets et depuis lors ils n’ont jamais cessé de se développer. Ils ont par exemple choisi d’entièrement retaper leur quai de transbordement. Facilitant le transport fluvial – complément écologique au transport normal – le quai accueille deS bateaux jusqu’à 3.500 tonnes. « On a été les premiers à fonctionner et cela un an avant le port de Mertert », souligne Jemp avec un grain de fierté.
Les trois Hein, s’imbriquent bien : Jemp Hein s’est jeté dans le sable le 6 mars 1970. Il a voulu aller travailler à l’armée en tant que motard, mais un accident l’a obligé de renoncer à ses plans et il est venu travailler à l’entreprise familiale comme solution de passage… qui est restée permanente. Jemp est l’homme de la technique : c’est ce qui le passionne et c’est ce sur quoi il se focalise dans l’entreprise. Quand il s’agit de s’outiller, le projet atterrit chez Jemp.
Alphonse dit Fons, quant à lui, est l’homme du calcul : quand il s’agit de challenger la faisabilité et les finances, c’est lui qui entre en jeu. Il est entré dans l’entreprise pour un job de vacances dans la comptabilité. Et il est toujours là. C’était notamment sous l’impulsion de Fons que l’entreprise s’est diversifiée dans le domaine des déchets. Parce qu’en fait Fons est un passionné du recycling : au moment où tous les déchets d’origine industrielle et commerciale allaient encore à Ronnebierg et quand la collecte de déchets avait encore une image quelque peu suspecte à Bech-Kleinmacher, il a passé son temps à visiter des foires à l’étranger. C’est là que – sachant que le sable est une ressource finie – il s’est dit qu’il fallait se lancer dans le recycling. Et voilà que désormais, lorsque l’on voit circuler les camions verts à logo jaune à travers tout le pays, on ne peut manquer de comprendre que le « petit » Hein a fait son jeu à côté des mastodontes de l’industrie.
Jemp a été le 13e employé et Fons le 14e. Actuellement l’entreprise en est à 215 employés.
Pérenniser les activités historiques pour les générations futures mais surtout réaliser des idées, voilà leur crédo. Les Hein décident, puis foncent. Et remportent les soumissions. Ils sont notamment en charge de la collecte Valorlux et cela depuis 15 ans, soumission qu’ils viennent de remporter à nouveau pour les 15 années à venir. Dès lors il s’agit de moderniser les installations de tri qui passeront de 6 à 20. Mais ce n’est pas le seul projet qu’ils ont sur la planche. Actuellement l’entreprise est en train de retaper les garages pour organiser le contrôle technique directement sur place. À côté d’investissements dans un parc automobile hyper moderne, ce sont autant de projets pour assurer le bon développement de l’entreprise pour les 15 ans à venir.
Mais les innovations ne sont pas seulement matérielles, elles sont aussi humaines. « Il n’est pas facile de trouver des chauffeurs dévoués », s’inquiète Willy Hein. Pour lui, c’est avant tout l’humain qui compte. Tel est aussi le cas dans la transmission d’entreprise. Willy a réellement souhaité s’investir dans le business familial. En sept ans, il a donc fait le tour de toutes les activités avant de prendre la responsabilité pour la sablière puis pour le volet transport. À présent, main dans la main avec Alphonse et Jemp, il souhaite réfléchir sur ce que l’on pourrait imaginer pour faire en sorte que l’équipe se sente à l’aise et transmettre ce bien-être aux clients. « C’est en essayant d’adapter le travail aux besoins privés de nos équipes que nous arrivons à fidéliser nos collaborateurs et à créer cette atmosphère familiale qui est dans l’ADN de notre entreprise depuis ses débuts », continue Willy, résolument tourné vers l’avenir.
L’entreprise Hein est un petit joyau industriel. On y combine la modestie et les décisions prudemment prises d’une entreprise familiale, avec un flair pour les évolutions et les petits plus en matière de service au client, le tout fondu dans une coolness un tantinet old school qui ensemble forment l’approche de Hein Group.